Speech: Intervention du Premier Vice-Président Timmermans, au nom de Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, au Parlement européen sur la préparation du Conseil européen des 25-26 juin 2015
Frans Timmermans
Intervention au nom de Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne au Parlement européen sur la préparation du Conseil européen des 25-26 juin 2015
Bruxelles, le 24 juin 2015
Monsieur le President,
Madame la Secrétaire d'Etat,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Lorsque le Président Juncker s'est adressé à ce Parlement le 15 juillet de l'année dernière, il vous a dit que sa mission première est de reconstruire des ponts en Europe.
En fait construire des ponts en Europe, et au-delà de l'Europe, est une tâche éminemment européenne.
Et c'est pour cela qu'il ne peut être ici cet après-midi; il aimerait être parmi vous mais il essaie de bâtir des ponts avec la Grèce.
[Grèce]
C'est ce qu'on a fait tous ces derniers mois, ces derniers jours avec la Grèce parce que l'Union européenne n'est pas faite pour exclure mais pour inclure. Et qu'en Europe tout tient à un dialogue permanent qui doit être fondé sur la compréhension et le respect mutuels. Ce n'est pas toujours facile, ce n'est pas un long fleuve tranquille mais on y arrive quand chacun est prêt à bâtir sa partie du pont.
Et nous devons trouver un accord cette semaine. Le temps presse. Et on doit aller direct au but. Il n'y pas de prolongations possibles. Il y a une exigence de répondre aux attentes des Grecs qui souffrent. Et c'est à eux que je, que la Commission, que le President Juncker pensent. C'est pour eux que nous travaillons, pour les aider à lutter contre le chômage, la précarité sociale et construire leur avenir sur des bases saines et solides. Cela signifie que nous devons tous prendre nos responsabilités: le gouvernement grec, l'eurogroupe, le FMI, le Parlement européen, la Commission européenne.
Nous devons tous nous engager pour que la Grèce prenne un nouveau départ pour l'emploi, la croissance et les investissements grâce aux réformes qu'elle va mettre en œuvre mais aussi grâce aux fonds européens. À partir du moment où toutes les conditions nécessaires à un accord seront réunies, la Commission est prête à activer, ou plutôt réactiver, 35 milliards d'euros du budget européen pour soutenir la Grèce. Le Président Juncker proposera des solutions pour faciliter l'absorption des Fonds structurels et d'investissement européens et mobiliser immédiatement, via préfinancement, des sommes importantes pour démarrer des projets d'investissements dans l'économie réelle.
Ce n'est qu'au terme d'efforts conjoints que nous trouverons un accord acceptable pour tous et nous avons confiance que tel sera le cas à l'issue du Conseil européen de ces deux prochains jours.
Bâtir des ponts c'est une fois encore ce à quoi nous devrons consacrer tous les efforts pendant ce Conseil européen.
[Migration]
Tout d'abord sur la question de la migration, car s'il y a bien un domaine dans lequel la solidarité européenne peut se manifester, c'est la migration.
J'ai assisté hier au Conseil des ministres, et parfois on est surpris par la facilité avec laquelle les États membres demandent la solidarité mais sont assez taciturnes lorsque la solidarité leur est demandée.
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a urgence à répondre à la crise migratoire et humanitaire à laquelle tous nos pays sont confrontés, d'une façon ou d'une autre.
Une fois cela dit, et c'est bien de l'avoir dit, l'urgence maintenant c'est de se mettre d'accord sur ce qui doit être faitpour que la solidarité européenne ne soit pas un vain mot ou une larme à verser à chaque tragédie dans la Méditerranée mais que l'Europe reste loyale à ses valeurs et à ses intérêts.
La minute de silence du Conseil européen ne doit pas être suivie par des mois de silence quand on a besoin de réponses.
Ce que nous devons faire, c'est tendre la main à ces malheureux qui au péril de leur vie quittent leurs pays, déchirés par les conflits, en quête d'une protection internationale à laquelle ils ont droit. C'est une question de respect de la dignité humaine.
Nous devons aussi manifester concrètement notre solidarité à l'égard des Etats membres qui font face à une forte pression migratoire. Ce sont aujourd'hui l'Italie et la Grèce. Demain cela pourra être d'autres pays.
Dans tous les cas des mécanismes de solidarité sont nécessaires. Et c'est maintenant que nous devons les mettre en place en agissant ensemble, et non pas les uns contre les autres.
Soyons clairs: nous ne parlons pas de quotas lorsque l'on parle d'êtres humains. Nous parlons d'une obligation de solidarité.
Le President Juncker défendra donc fermement les propositions de la Commission sur la relocalisation et la réinstallation parce que ces propositions sont nécessaires et assurent un bon équilibre entre solidarité et responsabilité. Et, j'insiste, la répartition entre Etats membres soit faite sur une base effective car l'expérience nous a montré que si c'est volontaire cela ne fonctionne pas.
Il va donc falloir que nous nous mettions d'accord, d'ici à la fin du mois de juillet, sur les modalités pratiques d'une répartition solidaire et équitable entre les Etats membres pour mettre en œuvre ces mesures au plus vite.
Le coût de notre inaction d'aujourd'hui serait tout aussi lourd pour les migrants que pour l'Europe où la solidarité doit être partagée. On doit faire ce pas solidaire, ne pas le faire serait nier nos valeurs.
Alors nous savons bien qu'il y a des pays qui ont des opt-in, d'autres qui ont des opt-out; mais l'Europe est d'autant plus crédible quand elle accorde son appui à ceux qui sont le plus vulnérables et quand elle agit unie et solidaire.
Et, je me félicite que l'Irlande et aussi la Norvège, la Suisse et le Lichtenstein aient fait connaître leur intention de participer à ce mécanisme de relocalisation. Et j'invite d'autres pays à s'inspirer de leur exemple.
Mais autant il nous faut être généreux à l'égard de ceux qui ont besoin de protection internationale, autant il nous faut être ferme à l'égard de ceux qui n'ont aucune raison de rester en Europe, ni aucun besoin de protection internationale. C'est pourquoi le Commissaire Avramopoulos a présenté des propositions pour renforcer nos politiques en matière de retour et de réadmission. Il est clair que le soutien de notre population diminue si ils perçoivent que ceux qui n'ont pas le droit de rester dans nos pays y demeurent.
Et comme il ne suffit pas de combattre les symptômes de la crise, il nous faut aussi renforcer notre coopération avec les pays d'origine et de transit, pour s'attaquer aux causes de la crise. Et les causes, nous les connaissons bien, ce sont l'instabilité, la guerre et la pauvreté: en Libye, en Syrie en Irak et à travers l'Afrique.
Alors là aussi il faut bâtir des ponts, et développer plus de responsabilité partagée et plus de coopération avec nos partenaires africains. Et il faut qu'à tout prix les Etats membres augmentent leur aide au développement. C'est indispensable, nous avons besoin des 0,7%, pas demain mais maintenant.
Il n'est pas acceptable que beaucoup de pays, y compris européens, aient réduit le niveau de leur aide publique au développement.
[Défense]
Et, alors que de l'Ukraine à la Syrie, en passant par le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, notre voisinage est de plus en plus fragile et instable, il faudrait être naïf pour penser que l'Europe ne pourrait être qu'un 'soft power'. Il ne peut pas y avoir de 'soft power' durable sans 'hard power'; sans des capacités de défense intégrées. Là aussi c'est une question de crédibilité.
Il ne s'agit pas de bâtir du jour au lendemain une armée européenne. Cela c'est un vieux projet européen, un projet sur le long-terme. Il ne s'agit pas non plus de faire de l'Union européenne un contre-projet face à l'OTAN. Nous ne sommes pas concurrents mais partenaires, nousdevons travailler de concert et être en phase. C'est de cela dont ont parléensemble la semaine dernière le Président Juncker et le Secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg et ils sont convenus que nos équipes se verraient régulièrement pour mieux coordonner leur travail.
Ce dont nous avons besoin dans le domaine de la défense c'est d'une coopération renforcée, comme le prévoit d'ailleurs le traité de Lisbonne. C'est de faire plus ensemble pour faire mieux que séparés en divisions nationales.
Aujourd'hui dans l'Union européenne, plus de 80% des investissements en équipements de défense sont dépensés au niveau national. Donc, ne serait-ce que pour des raisons budgétaires, là aussi il faut bâtir des ponts et avoir plus de coopération dans les marchés de la défense, dans la recherche et l'innovation, pour se procurer ce qui correspond à des besoins et des défis communs.
[Le futur de l'Union Economique et Monétaire]
Enfin il nous faut bâtir des ponts vers l'avenir et compléter l'Union économique et monétaire tout en préservant l'intégrité du marché unique.
La crise nous a montré que l'euro nous protège, il nous a apporté la stabilité monétaire, sans l'euro nous aurions vécu des moments très désagréables de défoulement des égoïsmes nationaux.
Mais les vertus protectrices de l'euro ne tombent pas du ciel. Elles sont directement liées à notre crédibilité à mettre en œuvre des politiques axées sur la stabilité, sur une croissance économique équilibrée, sur une économie sociale de marché compétitive au service du plein emploi, du progrès social et de la prospérité des citoyens.
Et c'est précisément l'objectif des propositions du rapport qui est devenu celui des cinq présidents, puisque le Président Juncker a tenu à y associer très étroitement le Président Schulz.
Le rapport comprend une feuille de route pour compléter l'Union Economique et Monétaire qui est ambitieuse et néanmoins pragmatique. Certaines des initiatives qui y sont proposées peuvent et devraient être mises en place sans délai. Les premières mesures devraient être lancées par les institutions dès le 1 juillet 2015. Les autres requièrent plus de temps. Ce rapport offre surtout une direction claire, essentielle pour les citoyens et les acteurs économiques, et pour la confiance en la monnaie unique.
La première phase ou "l'approfondissement par la pratique" commence dès aujourd'hui jusqu'en juin 2017. Elle s'appuie sur les instruments existants et les traités en vigueur pour stimuler la compétitivité, la convergence, assurer des politiques budgétaires responsables, compléter l'Union financière et renforcer la responsabilité démocratique de l'UEM. La phase deux de "l'achèvement de l'UEM" nous permettra des actions de plus grande ampleur pour rendre le processus de convergence plus contraignant et créer un Trésor de la zone euro. La phase finale d'ici à 2015 offrira un cadre stable et prospère à tous les Etats membres de l'UE ayant adopté la monnaie unique et être attractive pour les autres.
Construire par étapes, intelligemment et sereinement, comme nous le proposons, une Union économique, une Union financière, une Union budgétaire et une Union politique, ce n'est pas une fin en soi mais un moyen de répondre aux attentes des citoyens et de préparer l'Union aux futurs défis mondiaux. Parce que l'Europe est plus que le marché unique et la monnaie unique. L'Europe est un projet large, vaste, ambitieux.
Alors le Conseil européen qui s'ouvre demain va s'emparer encore une fois de sujets cruciaux pour l'avenir de notre Union, et la Commission souhaite que les membres du Conseil européen soient les architectes d'une Europe à visage humain, une Europe forte chez elle et forte dans le monde, votre Président Martin Schulz et Jean-Claude Juncker y seront attentifs.
Permettez-moi, Président, de conclure par une citation qui, je pense, résume bien les enjeux de notre débat et de ce Conseil européen. Il s'agit d'une citation de Thé Lau, chanteur néerlandais de grand talent, qui est décédé hier soir: "Iedereen is van de wereld en de wereld is van iedereen". Merci.
SPEECH/15/5261
Renseignements au public:
-
-