Advocaat-generaal EU-Hof: Britten mogen inwoners Gibraltar geen stemrecht geven voor EP-verkiezingen, Nederland moet inwoners Antillen dit recht wél geven (fr)

COMMUNIQUÉ DE PRESSE n° 34/06

6 avril 2006

Conclusions de l'Avocat général dans les affaires C-145/04 et C-300/04

Royaume d'Espagne / Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord soutenu par la Commission des Communautés européennes

Eman et Sevinger / College van Burgmeester en wethouders van Den Haag

L'Avocat général Antonio Tizzano conclut dans deux affaires relatives au droit de vote pour l'élection du Parlement européen

Dans le recours introduit par le Royaume d'Espagne contre le Royaume-Uni, il s'agit de déterminer si un État membre est fondé à étendre le droit de voter aux élections européennes à des ressortissants de pays tiers résidant dans un territoire européen (en l'espèce, Gibraltar) (C-145/04).

En 2003, le Royaume-Uni a adopté l'European Parliament (Representation) Act 2003 (EPRA). Pour permettre aux habitants de Gibraltar de participer aux élections européennes, cette loi a institué une nouvelle circonscription électorale qui rattache Gibraltar à une circonscription existante de l'Angleterre ou du Pays de Galles et a créé un registre électoral spécial. Elle a en outre étendu le droit de vote à des citoyens du Commonwealth résidant à Gibraltar.

Contre l'EPRA, le gouvernement espagnol fait valoir 1) que l'extension du droit de vote pour les élections européennes à des ressortissants de pays tiers, résidant à Gibraltar, qui ne sont pas ressortissants du Royaume-Uni est contraire aux dispositions du traité CE relatives à la citoyenneté de l'Union et à l'élection du Parlement européen et 2) que cette extension, tout comme l'intégration de Gibraltar dans une circonscription électorale existante du Royaume-Uni, viole l'annexe II de l'Acte de 1976 relatif à l'élection des représentants du Parlement européen[1].

L'Avocat général propose de rejeter le premier moyen du recours et d'accueillir partiellement le second.

Selon l'Avocat général, la possibilité d'étendre le droit d'élire le Parlement européen à des ressortissants d'États tiers n'est pas exclue par les règles générales du traité. Une telle extension apparaît, en effet, cohérente avec le principe démocratique du suffrage universel qui milite en faveur de la reconnaissance du droit de vote au plus grand nombre et donc également aux étrangers établis dans un État membre déterminé.

Les États membres sont toutefois tenus de respecter les principes généraux du droit tels que les principes de raison, proportionnalité et non-discrimination ainsi que les dispositions communautaires spécifiques en la matière (telles que celles imposées au Royaume-Uni par l'annexe II de l'Acte de 1976).

L'extension du droit de vote aux ressortissants de pays tiers viole en revanche l'annexe II de l'Acte de 1976. Cette annexe dispose que le Royaume-Uni applique les dispositions de l'Acte de 1976 uniquement en ce qui concerne le Royaume-Uni.

Selon l'Avocat général, à la suite de l'arrêt Matthews de la Cour de Strasbourg[2], le Royaume-Uni était tenu de déroger à cette annexe II pour garantir le droit de vote aux ressortissants britanniques résidant à Gibraltar. La création d'une nouvelle circonscription, l'organisation du scrutin à Gibraltar, l'institution du registre électoral sont des mesures légitimes dans la mesure où elles sont nécessaires pour garantir l'effectivité du droit de vote desdits ressortissants.

En revanche, l'extension du même droit à des personnes qui résident à Gibraltar mais n'ont pas la nationalité du Royaume-Uni ni d'aucun autre État membre de l'Union, n'est pas imposée par la nécessité d'assurer l'exercice d'un droit fondamental et ne justifie donc pas une dérogation à l'annexe II.

L'annexe II conserve donc à l'égard des ressortissants des pays tiers sa valeur d'interdiction.

Dans l'affaire préjudicielle, le Nederlandse Raad van State a demandé, à l'inverse, si un État membre peut exclure du droit de voter aux élections européennes certaines catégories de ses propres ressortissants résidant dans un territoire d'outre-mer associé à la Communauté (en l'espèce, Aruba) (C-300/04).

Le Royaume des Pays-Bas se compose des Pays-Bas ainsi que des îles d'Aruba et des Antilles néerlandaises. Pour tous les habitants du Royaume, il existe une nationalité unique (la nationalité néerlandaise).

En 2004, MM. Eman et Sevinger, ressortissants néerlandais ayant leur domicile effectif à Aruba, ont demandé à être inscrits sur le registre électoral pour participer aux élections du Parlement européen. Leur demande a cependant été rejetée dans la mesure où la loi électorale néerlandaise ne reconnaît le droit de voter aux élections parlementaires des Pays-Bas ainsi qu'aux élections européennes qu'aux ressortissants néerlandais ayant leur domicile effectif dans la partie continentale du Royaume.

L'Avocat général estime que les États membres conservent le pouvoir de déterminer les conditions d'attribution de leur propre nationalité et des droits qui en découlent, mais doivent le faire dans le respect du droit communautaire.

Par conséquent, en principe, un État membre peut instituer une nationalité unique pour tous les habitants de l'État, en modulant cependant les droits qui en découlent en fonction de la partie de l'État où résident les ressortissants. Il peut donc - comme l'a fait le Royaume des Pays-Bas - reconnaître le droit de vote aux élections européennes à ses propres ressortissants résidant sur le territoire européen de l'État et le refuser à ceux qui résident dans une partie de l'État qui constitue un territoire d'outre-mer associé à la Communauté.

Néanmoins, selon l'Avocat général, la loi électorale néerlandaise est contraire au droit communautaire et en particulier au principe fondamental d'égalité de traitement.

En effet, cette réglementation reconnaît le droit de voter aux élections européennes non seulement aux ressortissants néerlandais qui résident aux Pays-Bas mais aussi à ceux qui résident dans des pays tiers, ne le refusant en définitive qu'à ceux qui résident à Aruba et aux Antilles néerlandaises.

De cette façon, elle reconnaît ce droit aux ressortissants néerlandais qui résident dans des États tiers par rapport aux Pays-Bas et à la Communauté mais le refuse à ceux qui résident dans les îles en question, alors qu'ils se trouvent dans la même situation que les autres (ils sont eux aussi des ressortissants néerlandais qui résident en dehors des Pays-Bas) et peuvent au surplus se prévaloir du fait qu'ils résident dans des territoires ayant des liens particuliers avec les Pays-Bas et avec la Communauté.

RAPPEL: L'opinion de l'Avocat général ne lie pas la Cour de justice. La mission des Avocats généraux consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l'affaire dont ils sont chargés. Les juges de la Cour de justice des Communautés européennes commencent à présent à délibérer dans cette affaire. L'arrêt sera rendu à une date ultérieure.

 

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Le texte intégral des conclusions se trouve sur le site Internet de la Cour

http://curia.eu.int/jurisp/cgi-bin/form.pl?lang=FR&Submit=rechercher&numaff=C-145/04 et C- 300/04

Généralement, il peut être consulté à partir de 12 heures CET le jour du prononcé.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter Madame Laetitia Chrétien

Tél.: (00352) 4303 3205 Fax: (00352) 4303 3034


[1] Décision des représentants des États membres réunis au sein du Conseil, 76/787/CECA, CEE, Euratom, du 20 septembre 1976, «Acte portant élection des représentants à l'Assemblée au suffrage universel direct», tel que modifié en dernier lieu par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil.

[2] L'arrêt Mattews, faisant droit au recours d'un ressortissant britannique résidant à Gibraltar, a jugé que le Royaume-Uni avait violé la CEDH en s'abstenant d'organiser les élections du Parlement européen à Gibraltar.