Michel Barnier: Vers une Constitution européenne

woensdag 24 september 2003, 12:51

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Avec mon collègue António Vitorino, j'ai eu le privilège de prendre part aux travaux du Praesidium de la Convention, aux côtés de Klaus Hänsch et d'Iñigo Mendez de Vigo. Ensemble, pendant dix-huit mois, nous avons beaucoup travaillé. Je saisis donc cette occasion pour les remercier personnellement et publiquement, ainsi que l'ensemble des Conventionnels du Parlement européen, leurs suppléants et les membres de la commission des affaires constitutionnelles, sous la vigilante direction de Giorgio Napolitano, pour leur disponibilité et leur combativité.

La Convention est terminée, et elle a atteint son but.

Pour autant, nous n'avons pas le temps de la nostalgie. Nos deux Institutions doivent, dès aujourd'hui, travailler à nouveau ensemble aussi dur qu'hier pour aborder unies la période très sensible de la conférence intergouvernementale.

Et demain, à l'issue de la CIG qui, je l'espère, aboutira à un vrai Traité de Rome, le Parlement et la Commission devront une fois encore se trouver côte à côte, lorsqu'il faudra étape supplémentaire - aller chercher la ratification auprès des citoyens ou de leurs représentants. Au passage, je suis favorable à ce que la ratification de la future Constitution puisse avoir lieu le même jour partout en Europe, selon les procédures propres à chaque pays, mais en même temps. Cette "journée européenne de ratification" assurerait un débat réellement européen, au lieu de vingt-cinq débats nationaux juxtaposés.

C'est dans cet esprit que je suis venu vous écouter à l'occasion de ce très riche débat consacré au rapport de MM. Gil-Robles et Tsatsos sur la CIG qui va s'ouvrir. Une CIG qui ne peut pas, qui ne doit pas être « une CIG comme les autres » - j'entends par là une CIG comparable à celles d'Amsterdam et de Nice, qui ont abouti à quelques progrès et à beaucoup de regrets.

En quoi cette CIG est-elle particulière ? Parce qu'elle a la chance de pouvoir s'appuyer sur le profond travail de la Convention, un travail intelligent comme a dit M. Gil-Robles.

Et comme tout premier point d'accord entre le Parlement et la Commission, je veux souligner notre volonté commune que la CIG ne remette pas en cause ce qui a fait l'objet d'un consensus dans la Convention, et même tout simplement les grands équilibres du projet de Constitution.

Nous sommes également d'accord sur les acquis de la Convention, et en particulier :

  • constitutionnalisation des valeurs, des principes, des institutions et même à la demande des parlementaires-conventionnels des symboles de l'Union ;

  • intégration de la Charte des droits fondamentaux ;

  • personnalité juridique unique de l'Union, et disparition de la structure en piliers ;

  • hiérarchie des normes ;

  • délimitation plus claire des compétences de l'Union ;

  • extension du champ de la méthode communautaire et de la codécision ;

  • élection du Président de la Commission par le Parlement européen ;

  • progrès dans la mise en place de l'espace de liberté, de sécurité et de justice ;

  • avancée réelle dans le domaine de la défense, avec notamment la mise en place de l'agence européenne de l'armement et la clause de solidarité contre les attaques terroristes ;

  • création de la fonction de Ministre des Affaires étrangères de l'Union ;

pour ne citer que les principales avancées.

Nous sommes également d'accord sur ce qui manque à ce projet de Constitution :

  • il ne réduit pas assez le domaine où l'exigence de l'unanimité paralyse encore l'action ;

  • il ne dote pas l'Union des instruments et des procédures dont elle a besoin dans le domaine crucial de la gouvernance économique ;

  • il ne prévoit pas la possibilité de réviser de manière plus souple les dispositions constitutionnelles les moins essentielles.

Voilà les progrès auxquels nous aurons à travailler ensemble.

Par ailleurs, la Commission, vous le savez, s'est interrogée également sur les dispositions du projet de Constitution relatives à sa propre composition. Elle estime être bien placée pour réfléchir à sa propre organisation et a proposé une meilleure composition que celle que propose le texte de la Convention. Très franchement, cela me paraît assez normal, et je n'ai rien à ajouter sur ce point à ce que le Président Prodi a dit devant votre assemblée voici trois semaines.

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Nous sommes nombreux ici à avoir éprouvé de l'enthousiasme, je dirais même de la ferveur, à participer au succès de la Convention.

Pour autant, nous devons simplement prendre acte qu'une phase nouvelle et différente est en train de s'ouvrir, celle de la CIG. Mais qu'on ne s'y trompe pas : la Commission entre dans cette nouvelle étape avec le même état d'esprit que pendant la Convention, avec la même volonté de travailler avec vous à la réalisation de priorités communes.

Améliorer le projet de Constitution sur un nombre limité de points, sans remettre en cause son équilibre général.

Clarifier toutes les dispositions de ce projet, et notamment leur portée, pour éviter tout malentendu ou confusion au moment de la ratification du texte.

Veiller enfin à ce que la CIG accomplisse le travail de finition juridique que la Convention lui a confié.

Je pense sincèrement qu'en faisant abstraction des différences sémantiques, il existe entre nos deux Institutions le plus large accord sur le fond. Ainsi que la Commission vient de l'indiquer dans son avis adopté tout récemment, le 17 septembre, il est essentiel que la CIG ne remette pas en cause les équilibres d'ensemble du projet de Constitution, et ne rediscute pas de toutes les questions sur lesquelles la Convention a abouti. Et je tiens à redire ici la détermination de la Commission, de son président Romano Prodi et de mon collègue António Vitorino, à apporter tout son concours à la présidence italienne dans ce but, qui nous est commun.

Je vous remercie.